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Schopenhauer

L’Hypocrisie du Monde

    Quiconque, s'étant pénétré des enseignements de ma philosophie (...), ne fondera de grandes espérances sur aucune chose ni sur aucune situation, ne poursuivra avec emportement rien au monde et n'élèvera de grandes plaintes au sujet d'aucun mécompte, mais il reconnaîtra la vérité de ce que dit Platon (Rép., X, 604) : " Rien des choses humaines n'est digne d'un grand empressement", et cette autre vérité du poète persan :

 

As-tu perdu l'empire du monde ?

Ne t'en afflige point ; ce n'est rien.

As-tu conquis l'empire du monde ?

Ne t'en réjouis pas ; ce n'est rien.

Douleurs et félicités, tout passe,

Passe à côté du monde, ce n'est rien.

                         Anwari Soheili

 

    Ce qui augmente particulièrement la difficulté de se pénétrer de vues aussi sages, c'est cette hypocrisie du monde dont j'ai parlé plus haut, et rien ne serait utile comme de la dévoiler de bonne heure à la jeunesse.

    Les magnificences sont pour la plupart de pures apparences, comme des décors de théâtre, et l'essence de la chose manque. Ainsi des vaisseaux pavoisés et fleuris, des coups de canon, des illuminations, des timbales et des trompettes, des cris d'allégresse, etc., tout cela est l'enseigne, l'indication, le hiéroglyphe de la joie ; mais le plus souvent la joie n'y est pas : elle seule s'est excusée de venir à la fête. Là où réellement elle se présente, là elle arrive d'ordinaire sans se faire inviter ni annoncer, elle vient d'elle

-même et sans façons, s'introduisant en silence.

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                         Schopenhauer, Aphorismes sur la Sagesse dans la Vie, traduction de J-A Cantacuzène, revue et corrigée par Richard Roos, Paris, 2001.

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