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         Le Pape François vient de naître au Ciel en ce lundi de Pâques 2025, signe d’une destinée singulière et de sa proximité avec les véritables enseignements du Christ. Un symbole en lien avec les éminentes mutations de notre temps.

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       Nous saluons ici un grand serviteur : en renouant avec l'esprit du christianisme ― celui de l’évêque Myriel donnant les chandeliers d’argent dérobés à Jean Valjean le réprouvé plus qu’à ceux qui bénissent les Thénardier du CAC 40 ― il a incarné une volonté de compassion envers tous les êtres vivants. 

       En instaurant chaque 1er septembre une journée de prière pour la sauvegarde de la création, François appelle l’humanité à la conversion écologique. Un geste fort, déplaçant le centre de gravité de l’Église vers le présent, permettant à des millions de personnes de déconstruire l’impasse dessinée par Bruno Latour : « Si tu viens à perdre la terre, à quoi te sert de sauver ton âme ? ».  Une date que nous inscrivons dorénavant au calendrier des Assises de la Sagesse en hommage à son engagement.

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       François fut le 266ème pape d’une institution compromise avec les pouvoirs, en particulier ceux de l’argent ; il est donc notable qu’au long de son pontificat il sut appeler au meilleur de l’humanité, nous engageant à prendre soin de notre maison commune : la terre ; relevant avec force le point d'achoppement de la mentalité moderne : “ Ce serait catastrophique que les intérêts particuliers l'emportent sur le bien commun. »

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      Que les faux-semblants et la putréfaction de la Curie romaine, les ankyloses d'une institution ayant égaré le chemin de sa singularité n’aient pu corrompre l’intégrité et la sincérité de son cœur élève François au rang de pape d’exception et d’homme d’honneur.

     En refusant, en décembre 2024, de se rendre à Notre-Dame de Paris en compagnie des princes de ce monde, François indique au peuple chrétien la piste du renouveau : mettre fin à la compromission régnante entre pouvoir et religion, argent et religion, honneur et religion. Que les religieux retrouvent leur dignité et la religion sa place… porteuse des vérités éternelles : celles des origines et des fins dernières, de l’incarnation du Principe fécondant toute chose au sein d’un mouvement d’amour créatif.

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     Un message s’adressant au peuple chrétien ainsi qu’à celles et ceux qui n'ont pas encore compris l’aspect mortifère des pouvoirs de l’anthropocène précipitant l’humanité vers des abysses insondables.

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    Au-devant des dangers, il répliqua par deux encycliques majeures puissamment reliées l’une à l’autre, s’inspirant l’une de l’autre : la nécessité de la fraternité humaine, la conscience de son unité ( Fratelli tutti) d’une part et l’amour et le respect de la création ( Laudato si’) d’autre part. Une vision, deux courants de force, susceptibles de réunifier le monde.

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     En redonnant cohérence, profondeur, courage et surtout une prise sur le présent, être chrétien, ici et maintenant, face aux désordres du monde ; oui, il laisse une voie, un avenir possible pour la communauté des croyants. Bien sûr, il n'a pu soigner les multiples tares de l'institution, empêché pour partie, l’a-t-il même voulu pour une autre partie ? Quoiqu’il en soit il a donné aux futures générations un exemple, laisser l’empreinte d'un christianisme relié au Vivant.

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    Changer la donne. Les Chrétiens de Gaza se souviennent de ses appels tous les soirs à 20 heures précises ; de sa conscience aigüe du drame inhumain perpétré dans les ombres nocturnes de l’indifférence : « J’aimerais demander au monde de regarder Gaza avec les mêmes yeux que le pape François, les yeux de l'amour et de la reconnaissance », témoigne Georges Anton le responsable de l'organisation Caritas dans l'enclave.

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      A l’heure des prédateurs[1], le message lucide du Pape François porte espérance. Un retour sur terre, celle des hommes et celle du Christ, celle de l’amour et du respect de la création. Qui, c’est heureux, distingue entre ceux qui prennent soin et ceux qui ont du sang sur les mains ; entre les êtres qui préservent le vivant et les autres, semant la mort et la destruction de la nature… sans parler de la cohorte des lâches, des tièdes, foule anonyme et borgne, triant avec conscience ses déchets tout en s’excusant de son impuissance.

    François tendit au monde un miroir lui renvoyant sa laideur, sa cruauté et ses dérives ; un miroir éclairé par le sourire universel de la miséricorde ― son sourire ―, le sourire de tous les hommes de cœur pétri de compassion et de vérité : l'unique sortie de secours pour une humanité prise à son propre piège. 

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       De facto, les questions posées par François au peuple chrétien sont simples : peut-on suivre les pas de Jésus, prier Marie, tout en étant engagé dans des entreprises contribuant d'une façon ou d'une autre à l’écocide qui affecte la planète ? Par simple omission, détournant son regard, se rendre complice du massacre des innocents ?  Et suivant le courant, sans même y prêter attention, donner à la mentalité du monde moderne et ses princes des lettres de noblesse que la Terre et le Ciel leurs refusent à l’évidence ?

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    Chrétien ou pas, ces interrogations concernent toute l'humanité et, semble-t-il, personne ne peut plus les éviter.

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[1] Giulliano Da Empoli, L'heure des prédateurs, Gallimard, Paris, 2025.