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Dunes de sable

PREMIERE SESSION

Vendredi 11 octobre

17h00 - 20h00

Ecologie et Peuples Premiers

Racines et visions :​

l'alignement des pratiques écologiques des peuples premiers pour un futur durable.

                                                               Le Serpent d'Etoiles

 

      Les Assises de la Sagesse souhaitent être un trait d’union entre les sagesses anciennes et les propositions émergentes. C’est dans cet esprit que nous rendons hommage à Jean Malaurie, ce grand passeur, dont nous gardons en cœur la belle formule : "Les peuples premiers sont les sentinelles de notre planète" et qui revenant d’un de ses voyages au Groenland écrivait : « Nos sens sont fatigués. A force de téléphones, de calculettes, nous sommes devenus des handicapés ». 

          Évidemment, l’homme de l’hyper civilisation mondialisée refuse ce miroir tendu, trop direct, trop cru.  Quoi de plus normal pour une culture qui a pris l’habitude de surplomber toutes les autres, de regarder de si haut le reste de la planète qu’elle en arrive à ne plus voir la terre sur laquelle elle marche ! Nous voilà projetés dans l’univers 2 point zéro, rentrant en compétition avec une intelligence artificielle démentielle, cherchant refuge et excitation dans un monde d’image, pluri-informationnel mais pour autant standardisé, verrouillé sur un mode binaire : ce monde nous donne-t-il le pouvoir de vibrer avec le Vivant, ouvre-t-il à une conscience plus vaste que notre pensée tourbillonnante ?  

         Quand Malaurie débarque à Thulé en 1951 pour une mission scientifique un chaman l’accueille et le reste appartient à la légende :  Uutaaq, de son regard insistant, me transperce : ”Je t’attendais”, dit-il, “je ne dors plus ; un malheur va frapper les Inuits, nous allons être envahis par les Blancs. Et nous avons besoin d’un défenseur et je sens intérieurement que ce sera toi”. Quand effectivement quelques mois plus tard l’armada américaine s’installe à Thulé, Jean Malaurie rencontre le général et lui assène : « Partez, vous n’êtes pas les bienvenus ici ». Evidemment, la base US fut installée mais Malaurie aussi. C’est certainement en pensant aussi à Uutaaq qu’il affirme : « On peut être titré et sans culture, on peut être illettré et être cependant un sage ».

         Cette préscience, cet au-delà de la pensée, que le moine zen nomme  Hishiryō,  si naturelle au peuple premier est notre plus grand impensé ; l’usage nous en a été confisqué, de conditionnements en habitude, le  « je pense donc je suis » est devenu notre seule réalité. Comme des enfants pris à leur propre piège, nous voilà attachés à un univers vide de certitude, épuré de sens, protubérant, difforme, inquiétant. De plus en plus fragile et pourtant si contraignant dans lequel les barbaries humaines ressurgissent et la bête de montrer ses crocs atomiques.

         Pourtant, tout cela pourrait cesser si nous étions capables de nous inspirer de la cohérence des peuples anciens. La cohérence est un miroir, le dialogue du Vivant avec lui-même. Il permet de voir en l’autre un nous-même, et un nous-même en l’autre, en l’arbre, l’oiseau, le rocher.

         Dès lors comment envisager une transition écologique sans mettre au cœur du projet la cohérence. La cohérence est le mot clef de l’harmonie et de l’équilibre : la cohérence entre les paroles et les actes, les projets et le réel, les intérêts particuliers et le commun.

         Le mot alignement dans le titre de notre session fait référence à la cohérence des peuples premiers : alignement du lien horizontal entre les “pratiques écologiques” et la connaissance de la terre ; alignement vertical entre les visions cosmogonique, mythique et spirituelle et l’organisation sociale. Vous trouverez cet alignement dans toutes les pratiques sociales, agricoles, dans les rituels des peuples souches. Ce lien de cohérence unifie les différents modes de vie autour d’un même axe. L’axis mundi reliant l’homme, le ciel et la terre universellement répandu.

     Ce lien, Mana en Polynésie  Tawhîd chez les soufis,  largement documenté par toutes les traditions, n’est pas un concept mais une expérience directe. Il révèle le continuum existant entre les différentes formes du vivant : c’est le substratum, le principe des choses des philosophes. La séparabilité, l’aspect disjonctif de notre pénétration du vivant nous rend partiellement inapte à percevoir ce lien, à transformer le concept  d‘interdépendance en une expérience vécue intérieurement. En ce sens, Jean Malaurie a certainement raison, nous sommes devenus des handicapés. Lui qui voyait chez les peuples du Grand Nord, une " dynamisation de la pensée dans une vision cosmologique". Il insistait combien là-bas "l'homme est lié à l'esprit de la matière".

        Effectivement, la connaissance de ce lien change totalement notre expérience de la vie : elle nous fait entrer de plein pied dans la cohérence intrinsèque du vivant, dans sa chair. En vérité, elle seule est capable de prendre en compte la totalité du vivant et la multiplicité de son information : seule garantie d’un avenir durable.

         Pour que notre planète redevienne un jardin selon le vœu d’Edgar Morin, à nous de cultiver le nôtre avec joie, de regarder le Ciel en réapprenant le sens des étoiles... 

​                                                                                                             Ph.Y Demaison

                                                          L'harmonie, c'est la poésie de l'ordre.

                                                                                                    Balzac

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