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  • Photo du rédacteurDominika

Où est le Graal ?

Dernière mise à jour : 22 juin 2023

Editorial de la revue num. 2 de Sagesses Vivantes, à paraître Juin/juillet 2023.

La fin de l’abondance est devenue aujourd’hui une réalité ; annoncée depuis des années par la société civile, souhaitée par Pierre Rabhi tant les déséquilibres délétères du consumérisme sont par trop évidents, elle s’installe dans nos vies et en modifie le cours.

Une civilisation s’effrite devant nos yeux, à la vérité parce que les nouvelles générations n’y croient plus. Le sens et la crédibilité du monde occidental moderne, solide et triomphateur n’illusionne plus grand monde même sur ses propres terres. Chacun perçoit que la fin de l’abondance, la crise climatique qui ne cesse de s'amplifier, les épidémies, une guerre prête à dégénérer ne sont que les symptômes d’une réalité plus inquiétante : celle de la fin de la stabilité annonçant les grands bouleversements en cours et à venir.

Les plaques tectoniques issues du XXe siècle se déplacent, la bascule vers l’Asie orchestrée par les gouvernements russe et chinois, le retrait d’Afghanistan par les troupes américaines dessinent les nouveaux champs de bataille tandis que ce qui reste des repères intellectuels et valeurs morales volent en éclats poussés par des idéologies délirantes. A l’Ouest, le wokisme propose à une jeunesse crédule une liberté transgenre, un supplément d’illusion au long catalogue de l’arbitraire moderne. Tandis qu’à l’Est, encore tapi dans l’ombre, mais de moins en moins dissimulé, « l’ordre » chinois se prépare à jouer son rôle...

L’instabilité grandissante n’est pas une fièvre passagère de la mondialisation, elle en inaugure les convulsions. Qui connait le sens des rites et des mythes conviendra de l’importance pour les Anciens de la question de la stabilité du monde et de son ancrage dans le Réel (cf. espace profane, espace sacré). L’homme a toujours su que l’équilibre du monde, son avenir, se jouaient dans et par la qualité du Lien que nous sommes capables d’établir et de renouveler entre le Centre et la circonférence ― entre nous, la nature, le cosmos et l’Essence insondable qui l’anime. Une lecture du Vivant que les modernes ignorent, nous vendant une marche universelle du « progrès » et de la « civilisation », un bien pour tous ! Devant les faits ― des déséquilibres de plus en plus vastes et meurtriers ― , cela ressemble bien à un flagrant délit de mensonge. Il est vrai que la vérité, l'ordre, la justice, l'équilibre, l'harmonie, la liberté, la beauté même ne sont plus que des mots creux.


Un processus logique, si l’on considère l’enseignement sacré (Cf. schéma ci-contre). En rompant avec le double lien fondateur de l’écosystème du Vivant, c’est l’ensemble du système qui entre en résonance.



Un mouvement expansif et puissant se déploie, s’éloignant du Centre vers la périphérie où chaque élément privé du Lien s’individualise à l’extrême, s’agite, fragilisant la structure jusqu’à précipiter son effondrement. Une vague à l’accélération vertigineuse d’autant que rien ne s’oppose à son amplitude. Elle balaye toutes les structures et la crise des institutions civiles et religieuses que nous observons en est l’exemple.

Aujourd’hui un de ces derniers avatars, l’intelligence artificielle (IA) signe l’apothéose du renversement de l’ordre sacré. L’homme après avoir voulu tuer Dieu se soumet à une machine sans ciel ni lumière, un antéchrist « deux point zéro » procédant à une normalisation mondiale de l’acte de penser et de créer. Générant et promulguant un nouvel « ordre » comme l’avait prédit Saint Exupéry. Une machine affirmant chaque jour un peu plus : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », hypnotisant une foule interconnectée à l’œil unique du cyclope, récitant en cœur l’incantation magique : « C’est le Progrès pour tous » mais dont, pourtant, chacun se méfie en son fort intérieur... Telle est certainement une des onze têtes de la bête de l’Apocalypse décrite par Jean de Patmos[1], qui séduit par l’image et par qui chacun ne pourra ni acheter ni vendre s’il n’est frappé du nombre de la bête ( regardez vos "cartes de crédit", et autres "codes barres")...

Quel paradoxe trompeur que celui de cette connaissance artificielle sans limite, ravalant le divin au rang de simple hypothèse. Présentée sous le voile depuis longtemps prostitué de la vérité dite « scientifique », l'IA réalise un habile tour de passe-passe digne de celui que le Pape Jean Paul II nomme le menteur cosmique. Présent dans chaque foyer, habitant chaque ordinateur et téléphone, elle devient l’oracle du monde, dominant de sa tour invisible une humanité ignorante de sa présence, livrée mains et poings liés à son destin funeste.

Nous sommes dans une tragédie dont les Parques[2] tissent les fils noirs : ceux de la démesure du monde moderne. Nous avons à retrouver l’équilibre des vivants, à redessiner le nouvel écosystème du Vivant. La vie de Shri Ramana Maharchi et sa célèbre interrogation qui suis-je ? (Cf. Cahier central) tout autant que la question résonnant au cœur du mythe arthurien par la voix de Parsifal, où est le Graal ? (Cf. rubrique point de vue) nous y invite. A l’évidence, nous avons à reconsidérer nos priorités à l’aune de la Sagesse mais combien de temps nous reste-t-il ?


Ph.Y. Demaison


[1] Jean de Patmos, est le nom donné à l'auteur de l’Apocalypse qui s'identifie sous le nom de « Jean » par quatre fois dans ce texte écrit vers 95. [2] Les Parques étaient les trois divinités de la Rome antique qui présidaient au destin des Hommes.



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